dimanche 28 février 2010

Chili (Février 2010)

27 Février 2010, au milieu de la nuit, Karem me réveille en me secouant avec énergie. Devant mon étonnement, elle ne prononce qu'un mot: "temblores", puis se dirige vers l'embrasure de la porte de notre chambre, où je la suis. On dit que le linteau d'une porte est la meilleur protection en cas de forte secousse.
Tout Chilien(ne),sait cela et je le (la) crois doué(e) d'un sixième sens pour en évaluer l'importance....
Dans l'instant qui suit, le terremoto prend toute son ampleur. J'ai subi déjà quelques tremblements terrestres, au Pérou, en Colombie, sans doute, et bien sûr au Chili, mais jamais rien d'aussi fort, ni d'aussi long...."Ma" Chilienne se blottit contre moi qui ne suis guère plus rassuré qu'elle. La secousse se calme enfin, au bout d'une éternité qui n'a pas dû dépasser la minute.
Au fond du couloir, la señora Violetta, propriétaire de la maison, trouve réconfort entre les bras d'un de ses hôtes à la stature imposante, lequel tente de lui prodiguer des mots apaisants; elle a près de soixante dix ans et le coeur fragile.
Pour prévenir les risques d'incendie, l'électricité a été coupée, et toutes les collines de Valparaiso sont plongées dans le noir. Armé d'une lampe de poche, Manuel Hernàn, le fils de la maison, bientôt accompagné du colosse, fait l'inventaire des dégâts. Quelques longues fissures sur un mur mitoyen, un peu de verre brisé, mais rien d'inquiétant...Il est étrange de voir d'ailleurs à quel point ces demeures constituées d'un enchevêtrement de poutres. d'adobe et de tôles ondulées savent résister, et souvent mieux que les immeubles en dur, à une secousse qui sera évalué le jour venu, a 7,5 degrés sur l'échelle de Richter, et à 8,8 dans son épicentre, 300 kilomètres plus au sud, le plus important tremblement de terre depuis cinquante ans......
Nous descendons au rez-de chaussée, vers l'entrée de la maison. Dans la rue, on s'interpelle d'une porte á l'autre: "Como estas?", "Bien, y tu?", "Bien, bien.." En dehors de ça. c'est le silence qui domine, même les mouettes, d'ordinaire si bruyantes, se sont tues.....
Chacun consulte sa montre, comme si l'heure avait, à ce moment, une quelconque importance.... Une manière inconsciente, peut-être, de se dire que l'on est toujours en vie. Il est quatre heures du matin. Nous décidons, Karem et moi, d'aller visiter Philippe, un Français ami, dont l'hôtel est situé à 100 mètres.
Face à un tremblement de terre, il semble y avoir deux écoles: celle qui préconise de sortir dans la rue précipitamment, dans quelque tenue que ce soit, dans la crainte d'une réplique, et celle qui conseille de rester chez soi, car la rue avec ses pans de façades susceptibles de s'écrouler et ses câbles électriques, prompts à tomber, constituent un réel danger.
La maison où nous logeons appartient à la seconde école, mais en chemin, nous croisons beaucoup de monde qui a choisi de terminer la nuit à l'extérieur, en installant même, parfois, des abris de fortune...
Chez Philippe, les dégâts sont plus importants...La porte d'entrée de l'hôtel a souffert, des fissures assez nombreuses beaucoup de verre brisé et de vaisselle cassée et certains de ses clients ont fuit précipitamment. mais il prend, comme souvent, la chose avec philosophie...Son inquiétude en revanche, est dirigée vers une partie de sa famille résidant à Santiago, où le bouche à oreille, toujours trompeur, a, dans un premier temps, situé l'épicentre du séisme. Mais le téléphone sonne dans le vide...Ce que Philippe interprète, tout de même comme un bon signe...Celui que les murs sont encore debout, et que sa fille et la mère de l'enfant ont pu quitter le domicile...Je ne partage pas vraiment cet optimisme, mais préfère rester silencieux...
Nous le quittons, quelques instants plus tard, un peu rassurés sur son sort, et regagnons notre foyer.
Des répliques, il y en aura tout au long de la nuit, et parfois assez fortes, mais elles ne réussiront plus à nous tirer du lit...
Au matin, je vais boire mon café sur les marches de l'entrée de la maison. En passant devant la porte du salon, je constate que la señora Violetta a préféré terminer sa nuit au rez-de chaussée. Elle sommeille dans un fauteuil, sous une couverture, entourée de cadres où figure le portrait de son défunt mari, et l'image me fait monter les larmes aux yeux.
La rue affiche un silence dominical...On est Samedi, pourtant...
A l'heure où j'écris ces lignes, le tremblement de terre est encore sur toutes les lèvres, on dénombre 708 morts, et nous sommes vivants.
Et sur les collines de Valparaiso, que je peux voir de ma fenêtre, quelques lumières semblent encore, manquer à l'appel.....

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Je n'avais pas lu la chambre 110, j'étais simplement branchée sur bio bio radio, comme je le suis depuis notre retour et (y apprends à comprendre l'espagnol) j'avais ainsi des infos mais pas de ceux qui me sont cher. Embrasse Philippe pour nous. Nous sommes moralement avec vous. Embrasse karem et bisous à toi prenez soin de vous

Trente a dit…

Bonjour Jean Yves. Est-il possible de vous contacter ? Merci !